Bianchimani

Latrique

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L'Inspecteur Latrique frappe encore

Prologue: Sans issue - Girelle. 6 km 400

 

 

L'adjoint de Latrique ne sait pas trop où donner de l'imaginaire, son chef suprême et adoré est dans une impasse.

"Ce con, se dit-il sans le penser, n'a pas vu le panneau sans issue."

Ce qui est emmerdant pour le limier en chef de la bonne ville de Bordeille, c'est qu'il a sauté des cours de conduite et ne sait pas se servir de la marche arrière.

De plus il a horreur qu'on se serve de sa voiture de fonction. Une volkswagen.

- Allez, Marius-Alexandre !

Marius-Alexandre est déjà hors de la voiture et s'apprête à bouter l'allemande hors du cul-de-sac !

Pour les étonnés et autres curieux, sa mère avait voué sa vie à regarder le film de Pagnol et son père était bienheureux, son enregistrement à l'état civil avait coulé de source. Contrairement à ses études. Il avait triplé quatre fois son CM2 avant que sa mère l'envoie chez les enfants de troupes. "Ça lui forgera le caractère à ce grand couillon" disait-elle à ses amies, qu'elle avait nombreuses, pendant que son mari tapait le carton chez Lulu.

 

Marius-A s'arc-boute contre le capot, mais l'allemande est rétive.

- Le point mort, chef !

Latrique s'exécute en soupirant. Il est ganté de blanc. Une deuxième paire est nichée dans la boîte éponyme, au cas où. Fils de garagiste, il s'était juré le jour de sa première communion, sitôt les vêpres, de ne pas suivre la voie tracée par papa, de ne jamais mettre les mains dans un moteur. Trente ans qu'il tient parole. Ses ongles ont conservé leur lustre d'origine, ça se voit au premier coup d'oeil quand il consent à les exposer en plein jour, de préférence au printemps ou à l'automne, quand la température est clémente et le soleil pas trop haut dans les cieux. Une fissure est si vite arrivée. On prend jamais assez de précaution.

- Ça va aller, c'est parfait, je vais prendre à droite. Tu peux remonter, Marius-Alexandre.

Marius-A ne montre pas l'agacement qui le gagne. Depuis six ans qu'il est l'adjoint de Latrique, à peine s'il a rêvé une demi-douzaine de fois le voir pendu par les couilles, c'est dire.

- C'est bien au 18, qu'il crèche, l'english...? poursuit Latrique, le gant virevoltant.

Marius-A opine.

- Ouais, au 18... Vous êtes sûr que c'est un rosbif ?

- Bè, ma foi ! Mac Leod, c'est quoi pour toi... Suisse ?

- Moi je le voyais plutôt un peu écossais... mais avec son prénom j'ai eu des doutes ! Mario ça fait pas vraiment sérieux pour un binew, alors...

- Tu sais maintenant avec les frontières ouvertes... Mais bon ! écossais, anglais... Tu peux me dire la différence ?

- Ouais ! les écossais i' portent la jupe et les autres i' sont normaux !

- ....

- C'est de l'humour, chef ! Mais Mc Leod, je sais pas, ça me dit quelque chose...

- Ouais... c'est quoi l'adresse exacte ?

- Avenue des Palmiers... Villa de la Girelle !

- Je sens qu'on va se faire chier dans cette affaire.

Marius-A semble d'un avis contraire.

- Je crois pas, chef ! Le Mc Leod en question, d'après les renseignements qu'on a reçus, i' serait pas très clair. Pas fiché mais à la limite, bordel-line comme dit le FBI. I' fréquente d'assez près les milieux interlopes ramifiés.

- Des ramifications...

- Oui, et jusque dans le monde entier, d'après le rapport...

Un passage piéton interrompt leur conversation, du moins la dévie.

- Moi, je serais passé ! rigole Marius-A. en reluquant les deux adolescentes qui traversent l'avenue, bras dessus bras dessous. Avec la ferraille qu'elles ont dans le pif, ç'aurait été moins douloureux que le tétanos...

Avant même d'enclencher la première, Latrique jette un bref regard vers ses mains, au volant, comme si la bave du crapaud…

- Chef, ce sera la deuxième à droite, après le rond-point. Puis vous allez vers le port et on y arrive direct.

La "Villa Girelle" est une vieille quoique pimpante bâtisse de deux étages, légèrement en retrait de l'avenue, au milieu d'un petit terrain arboré.

Latrique se gare devant le portail entrouvert, derrière une Bentley immatriculée en Italie.

- Sûr que c'est la caisse du proprio !

Son supérieur regarde le subalterne d'un air dubitativement étonné.

- C'est quoi ta technique ? Conan Doyle !

- Bè non, chef ! La vue, simplement. La plaque pour Mario et la marque pour Mc Leod!

- ...

- C'est pas grave, Chef, en plus c'est comme qui dirait une boutade !

- Ouais... Mais bon, on est pas là pour s'amuser ! On résume... La boniche a appelé pour nous signaler la mort de ses patrons, ainsi que la disparition de leur fille, Cindarella.... D'où ils l'ont sorti ce putain de prénom ?

- Walt Disney !

- On ferait mieux d'y aller, le sang va finir par coaguler...

- Ils ont été électrocutés dans leur baignoire, Chef ! Comme Cloclo...

      - On va vérifier ça ! Walt Disney, t'es sûr…?

 

 

2 - Derrière la porte

 

 

Une dame entre deux âges les attend sur le perron. Elle porte une blouse rose bonbon assortie au foulard fuchsia noué dans ses cheveux, qu'on devine poivre tirant sur le sel, une époussette à la main. La boniche, sans doute, note scrupuleusement Marius-A à la première page de son petit carnet mental, qui ne le quitte jamais, sauf certains soirs de beuveries à l'AJC. L'Amicale des Joyeux Chasseurs.

Le prénom "Chantal" est cousu de fil blanc au revers de sa blouse bonbon.

Latrique montre sa carte aux bégonias alentour.

- Messieurs, enfin ! venez vite, c'est horrible !

L'inspecteur lève un gant apaisant.

- Ne vous affolez pas, chère madame, et dites-nous où se trouve cette baignoire tragique ?

- A l'étage.

- Ah bon ! Lait d'ânesse...? s'intrigue Latrique en songeant brusquement à Cléopatre, et Belucci Monica dans la foulée.

- Non, les Mac Leod ! s'emporte Chantal, la blouse gonflée d'indignation.

- Je connais pas cette marque de lait !

Dans ce genre de situation inextricable, et par expérience, Marius-Alexandre sait qu'il doit intervenir d'urgence. Combien d'assassins ont-ils eu le temps de fuir et franchir les frontières pendant que l'inspecteur Latrique jouait sur les mots...? Depuis le temps qu'ils travaillent de concert, Marius se demande encore si son chef le fait exprès, ou s'il est définitivement indécrottable ! Mais il n'ose pas lui demander, la hiérarchie sans doute...

Marius-A grimpe les deux-trois marches et tapote l'épaule de la femme de ménage, de plus en plus abasourdie.

- Bon, Chantal, tu nous montres le ch'min, on va pas y passer la noye !

- Pardon ?

- Par Don Giovanni !

"Putain ! Il a sa crise et là ça va être duraille de l'endiguer."

Effectivement, tout à trac, le Latrique se sent d'humeur à jouer avec les mots. Impulse sans doute !

- Je disais, chère Madame, qu'il ne faut pas perdre de temps sinon les indices risquent de s'évaporer.

M-A sentant la catastrophe verbale venir, rectifie le tir pour ne pas entrer dans l'incident domestique.

- Suivez-moi, Messieurs, c'est au premier !

- Au premier de Montmartre !

"Et voilà ! On attaque l'approximatif lointain."

La domestiquée se tourne vers l'inspecteur et le regarde comme s'il tombait du plafond.

- Vous vous sentez bien, Monsieur le policier ?

- Ma foi oui, plutôt en forme ! Je suis... les verres au fond du bistro...

Marius-Alexandre s'approche de la dame en uniforme et lui glisse :

- Ne faites pas attention, Madame Chantal ! C'est ses crises de palu qui le reprennent... Ne vous tracassez pas, je maîtrise la situation ! Bon, le premier, c'est à quel étage...?

- Juste au-dessus.

- Alors on vous suit !

...Les verres au fond du bistrot..., colimaçonne Latrique en suivant la petite troupe avec quelques marches de retard. D'un doigt et par inadvertance, il vérifie la propreté de la rampe,

... j'me voyais déjà...

Marius-A et Chantal sont déjà là-haut, devant la porte légèrement entrouverte de la salle de bains.

- Vous avez touché à rien ? demande Marius en notant l'angle d'ouverture de ladite porte. 50 degrés farenheit, environ, sans tenir compte du vent, inexistant il est vrai !

Le foulard fuchsia secoue la tête.

- En arrivant ce matin, à 7 heures comme tous les jours de la semaine sauf le jeudi où je fais mon marché...

"Qui a volé, a volé- l'o-range..."

- C'est rien, poursuivez !

- ... donc en arrivant j'ai été surprise de voir la porte entrouverte...

- Un peu plus ou un peu moins ouverte que maintenant ? demande Marius en montrant l'ouverture trop peu béante pour dévoiler l'horreur qui se niche derrière.

- Je vous parle de la porte d'entrée, jeune homme. D'habitude mes patrons se lèvent jamais avant dix heures, dix heures et demie le mercredi vu qu'ils reçoivent le mardi.

" Dès que le vent soufflera, je repartira..."

- Ils reçoivent Qui ?

"un mârdi..."

- ... Des amis, je sais pas. Moi je nettoie, je fais le ménage, je suis pas payée pour distribuer les cartons d'invitation. Vous auriez vu ce souk ce matin, c'était encore pire que les autres fois !

- J'ai rien remarqué en bas, note Marius en consultant sa montre.

- Le temps que vous arriviez, j'ai eu le temps de passer un coup de chiffon, rétorque le plumeau, un poil rebelle. C'est pas demain la veille que vous allez m'apprendre mon métier tout de même!

- Tss, tss, ma brave dame, ma brave dame, qu'entends-je, qu'entends-je...

Soulagé, Marius-A se tourne vers Latrique. Son chef vient d'entamer la procédure d'atterrissage, les rétrofusées sont activées et il n'allait pas tarder à rentrer au port. La crise n'était que passagère, le boss reprenait les commandes.

- Je ne voudrais pas me répéter, poursuit Latrique, mais on piétine, on piétine. J'espère que vous n'avez pas fait disparaître tous les indices concernant ce crime sordide et aquatique, chère madame, sinon je me verrai dans l'obligation de demander à mon adjoint de vous lire vos droits ! On ne badine ni avec l'amour ni avec la dissimulation de preuves à Bordeille, croyez-moi ! Alors je vous écoute, sinon de simple témoin vous risquez de basculer plus vite que prévu ma bonne dame dans le rôle de suspect number one !

Ce qui fait choir le plumeau, et le mur du couloir n'est pas de trop pour soutenir la dame.

- Mais... Je ne comprends pas... Vous ne jetez pas un oeil...?

- Où donc, dites-moi.

- De l'autre côté de la porte, enfin !

- Chaque chose en son temps ! Et on ne va pas ajouter l'horreur à une autre horreur, n'est-ce pas Marius-Alexandre ? Vous jetteriez un œil, vous, et pourquoi pas le bébé avec l'eau du bain tant qu'on y est !

M-A acquiesce en souriant, sans trop savoir pourquoi. Le boss va beaucoup mieux, certes, même si dans son cas la guérison reste toute relative.

Latrique se tourne de nouveau vers la femme de ménage. Le foulard fuchsia a un chouia pâli. (phrase à répéter la matin avant le petit déjeuner et le soir au coucher jusqu'à la fin de la plaquette. Si vous y parvenez sans trébucher une seule fois, le Conservatoire de Meudon vous tend les bras !)

- Dites-moi si vous avez touché à quelque chose, ici, à l'étage… ?

- Non, à rien. De 7 à 9 j'ai commencé le ménage en bas puis je suis monté faire la salle de bains.

- Il était quelle heure exactement quand vous avez découvert l'indicible ?

- Les Mac Leod vous voulez dire…?

- Pardi !

- 9 heures pile ! C'était l'heure du flash sur RTL et je voulais pas rater l'émission après !

- Et vous n'avez touché à rien, à rien de rien, à rien du tout !?

- A rien je vous dis. Je suis descendue tout de suite pour prévenir la police, vous pensez bien !

Un léger voile goguenard balaye le visage de Latrique, l'égayant.

- Madame Chantal, combien pesez-vous ?

- Pardon ?

- Votre poids s'il vous plaît, pour les besoins de l'enquête je vous prie…

- Disons… environ 65 kilos. Pourquoi ?

- Et la taille ?

- Pareil !

Latrique hoche la tête à maintes reprises, lentement, le temps que Marius-A finisse de prendre ses notes intimes du pariétal gauche.

- Alors, reprend Latrique, expliquez-moi chère madame comment, sans toucher à rien, vous avez pu découvrir les corps de vos patrons dans la baignoire vu l'entrebâillement de la porte que vous voyez là ? Même l'épagneul breton de mon beau-frère ne réussirait pas à s'y faufiler sans toucher à rien !

- Mais, enfin, monsieur l'inspecteur…

- Marius-Alexandre, avez-vous noté l'angle d'ouverture du battant…?

- 50 degrés farenheit, chef, mais sans tenir compte du vent !

- Et ça fait combien en angle d'ouverture de porte de chez nous ?

- Autour de 10 degrés avec la marge d'erreur en sus selon les conditions extérieures.

- Qu'est-ce que je disais ! Un teckel à la rigueur pourrait passer! Et encore. Faut pas qu'il fasse les poubelles de Mac-Do, le cabot !

- Comme celui de ma tante, chef ! Il est tellement gros que les autres clébards dans la rue le reconnaissent même plus ! Ils lui aboient dessus en hurlant à la mort, ces branques. Doivent le prendre pour une chose étrange venue du cosmos !

- Ou de plus loin, mon Marius ! va savoir… Alors, ma petite dame, il n'y aurait pas comme de gros nuages noirs qui s'amoncelleraient au-dessus de votre tête fuchsia… ?

La bonniche lève les yeux une poussière d'instant avant de foudroyer l'inspecteur.

- Vous êtes carrément malade, c'est pas possible ! Les Mac Leod sont en train de baigner dans leur eau depuis je ne sais quand et vous en êtes à chipoter sur une porte de salle de bains plus ou moins ouverte sans même oser la pousser ! J'aimerais bien revoir votre carte d'ailleurs messieurs les soi-disant inspecteurs …

- C'est cela, oui, parodie Latrique du coin des yeux. Bon, Marius, tu me la boucles dans une chambre avec interdiction formelle de quitter le territoire, vu ! Allez, du balai !

- Quelle piaule, chef ?

- Celle des Mac Leod, elle est libre maintenant ! Et tu vérifies par la même occasion si le lit est défait ou pas, ça nous permettra de cerner approximativement l'heure de l'immersion fatale !

Marius-A se penche pour ramasser le plumeau.

- Madame, si vous voulez bien me précéder, ça nous aidera à trouver la bonne porte !

- C'est celle de gauche, au fond du couloir. Mais je vous préviens…

- Merci, je vous suis.

Après un regard chirurgical alentour, Latrique s'apprête à pousser la porte de la salle de bains lorsqu'un râle de chatte en chaleur suspend son geste.  Le temps de ne pas comprendre d'où provient cette étrange mélopée, Marius est déjà de retour.

- Putain, chef, venez vite, y a un autre cadavre dans la turne des english !

- La fille de Walt Disney, je suppute ? rengorge Latrique

- Je crois pas ! C'est un grand rouquin barbu qui risque de plus rigoler de sitôt, il a la gorge tranchée d'une oreille à l'autre !

- Et cette plainte venue d'ailleurs, c'est la bonniche qu'a poussé dans les graves ?

- Ouais, chef, avant de se répandre lamentablement sur la moquette en découvrant le tableau. Mais quelques claques devraient la réveiller j'espère, pas comme l'autre !

- Elle aurait pas simulé, des fois ?

- M'étonnerait ! En tombant sa tête a fait un drôle de bruit en cognant contre une commode en bois massif, je l'ai même trouvée un poil pâlotte en partant…

- Bon, c'est pas plus mal, on l'aura pas dans les pattes !

- Va quand même falloir l'enjamber, chef ! Elle bouche un peu le passage…

 

 3 - Derrière la porte II

 

A l'instar de la Bentley, le dénommé Ed Beard était la veille encore citoyen britannique domicilié en Italie, à Sienne pour être exact, plaza Campo. D'après son passeport français, il était né le 14 octobre 1971 à Motherwell, Scotland, mesurait 1m 86 et n'avait pas de signes particuliers.

- Pouvaient pas savoir, pour la gorge! rigole Marius. Hé, chef, y a des tampons partout, un vrai globe-trotter l'Edmond !

- Rien d'autres, Marius ?

- Non, juste son passeport. Mais je lui ai pas encore fait les poches du kilt !

Se penchant sur le corps, Latrique examine la blessure, l'œil clinique, mains derrière le dos.

- C'est pas en se rasant qu'il a pu se faire ça, à mon avis.

- Pieds et mains attachés, chef, c'est pas pratique pour aller chercher le poil récalcitrant dans le gras du cou… En tous cas c'est pas un suicide !

- J'aimerais bien savoir si la bonne connaît cet individu. Tu voudrais pas la rafraîchir, Marius, qu'elle nous éclaire à ce sujet.

La  femme de ménage obstrue toujours l'entrée, le teint cireux, les bras en croix. De la pointe de sa chaussure, Marius lui relève légèrement le menton.

- Je crois qu'elle est étendue pour le compte, chef. On devrait peut-être appeler les secours, faudrait pas qu'elle nous claque dans les doigts, dame Plumeau!

Latrique hésite un instant avant de secouer la tête.

- Le toubib devrait pas tarder avec son équipe. T'en fais pas, c'est juste un petit K.O doublé d'un choc émotionnel. Classique en fait. D'ici un petit quart d'heure elle sera sur pieds pour faire les chambres…

- Ouais, espérons !  sinon, c’est la bavure homologuable.

- Tu crois qu’une bonniche ça entre dans les statisques ?

- A mon avis le sexe et la fonction n’ont rien à voir, mais bon, j’ai pas suivi de cours chez Guinness.

- A mon avis, je pense que c’est un kidnapping manière outre-atlantique, la Cindi machin est quand même absente. Beard le barbu a voulu s’interposer et ils l’ont décou… on dit comment pour le cou… décousu, découpé, découtelé…

- Tranché la gorge pour faire dans le commun ou alors dégorgé si vous voulez faire dans le new-age.

- …

- Si je peux oser, Chef, moi si j’avais à rançonner quelqu’un, j’éviterais d’occire les ceusses qui seraient susceptibles de raquer. Mais bon, je ne suis qu’un néophyte.

- Ouais, peut-être… Et un serial killer, qu’est-ce t’en penses ? Ce serait bien non ? On en a jamais eu dans le périmètre, avec ça je suis sûr que j’aurais droit au Journal télé chez D’Arvor… 

 - D'après mon cousin, il présente le 20 H avec le bottin du 93 sous les fesses tellement il est petit de taille.

- Il travaille à la TV, ton cousin ?

- Non, il la regarde ! Sinon Chef, serial killer, faut en refroidir combien pour avoir le label ?

- Ca dépend. Tiens, tu te souviens du type l'an dernier qu'a massacré toute une équipe de basket dans le Nord...

- Ah oui, les gars allaient descendre et il a pris les devants !

- C'est ça. Eh bien ce type-là c'était pas un serial killer...

- A cause du basket, Chef ! C'aurait été une équipe de rugby, il chopait le label !

- Non, Marius, c'est plus compliqué. Et puis il aurait pas pu flinguer une équipe de rugby dans le Nord puisqu'on joue pas au rugby dans le Nord.

- Elémentaire Chef, j'aurais dû y penser.

- T'en fais pas, ça viendra avec l'expérience. Bon, on avance pas avec tout ça ! Kidnapping, crime crapuleux, serial killer, vengeance, suicide collectif, méprise tragique...

- Je crois que le suicide collectif, on peut le biffer de la liste, Chef.

- Ne nous précipitons pas. Crois-en mon expérience... faut tout envisager. Même le pas-pensable.

- C'est vous le boss, Chef ! Mais quand même un suicide collectif ça me parait un peu tiré par la crinière.

- Ne dis pas ça, mon petit ! Regarde la secte Moon... ils arrêtent pas de se suicider en groupe, à Waco idem et je te parle pas des parents adoptifs du petit Vuarney et des autres plus discrets...

- Ouais, mais on les a un peu aidés à s'euthanasier, non ?

- Dis-moi, Marius-Alexandre, tu ne chercherais pas la polémique, par hasard ?

- Jamais de la vie, Chef ! Seulement le plaisir de parler avec vous, vous avez tellement d'expérience, que je cherche à m'améliorer.

- Je sais, je sais ! Comme je te l'ai déjà dit j'applique les 3 règles : voir, écouter, analyser et conclure.

- Comme les 3 mousquetaires.

- J'ai pas lu... c'était quoi leur truc ?

- Bè ! ils étaient 4.

- Et alors ?

- Alors... alors, vous croyez pas qu’il faudrait un peu commencer à les appliquer vos 3 règles, sinon on va déjeuner à l'heure du souper.

- Bien parlé Marius ! Tu vois, le métier commence à rentrer. Bon, commençons par le commencement. C'est quoi la première des 3 règles...?

- Voir, chef !

- Parfait. Et qu'est-ce que tu vois dans cette chambre...?

- ... Euh, disons... un barbu qui n'aura plus à se tailler la barbe avant longtemps, et puis une bonniche entre deux eaux...

- Et tu trouves ça drôle ?

- Excusez-moi, chef, ça m'a fait penser aux Mac Leod dans leur baignoire...

- C'est vrai, j'allais oublier les english! De toute façon et même en faisant trente-six longueurs, ils risquent pas d'aller bien loin les nageurs de fond. On sortira les peignoirs plus tard. Bon, un peu de sérieux, la deuxième règle maintenant...?

- Ecoutez.

- Oui, Marius, mais à l'infinitif ! Et qu'est-ce que tu entends...?

- Ben chef, à part votre cours magistral qu'on devrait diffuser en boucle, pas grand chose en fait. Rien même.

- C'est exact ! Alors tu me secoues un peu la Chantal sinon on va jamais y arriver.

- Vous croyez, chef ? Elle a une sale mine quand même la pauvrette, et j'ai comme qui dirait la vague impression qu'elle est plus près du fond que de la surface...

- A mon avis elle simule, pas très claire la Goya...  quelqu'un qui aime la couleur fuschia ne peut être foncièrement hors de soupçon.

- Ah bon ! vous tenez ça d'où, Chef ?

- Tout le monde sait que c'était la couleur préférée des... des Borgia. Tu devrais être au courant, c'est le b.a. ba des enquêteurs sérieux.

- J'ai du sauter le passage.

- Les détails Marius-Alexandre, les détails.

- Putain ! s'il faut apprendre les gammes nuancées, j'ai encore du boulot.

- Bon, emploie la méthode du croque-mort, on va en avoir le coeur net une fois pour toutes.

- ... Chef ?

- Oui ?

- En plus du passage, j'ai dû sauter aussi la quinzaine du savoir. C'est quoi exactement la méthode du croque-mort...?

- Bon sang, Marius, tout le monde sait ça, t'es une vraie terre brûlée ! Bon, je vais t'expliquer l'origine de la méthode. Jadis, et même naguère, ils avaient pas les moyens technologiques qu'on a maintenant, alors sur un champ de bataille ou ailleurs ils mordaient l'orteil du mort pour savoir s'il était encore vivant. Tu comprends ?

- J'en ai peur, chef. Si elle réagit, c'est qu'elle est en vie...

- Tout juste Marius ! Alors, oeuvrons.

- Une bonne paire de tenaille, chef, ça ferait peut-être l'affaire ?

- Nous avons déjà perdu trop de temps...

- Peuchère ! j'ai pas trop le coeur, Chef ! Mais bon si vous me l'ordonnez.

- Si tu ne veux pas le contact charnel, essaie la méthode si-tu-te-réveilles-pas-je-t'en-colle-une.

 

Evidemment à cette vitesse on comprend assez vite le nombre de crimes élucidés. Mais chacun sa méthode. N'est pas Starky et Hutch qui veut.

 

Laissons les athlètes de l'énigme à leurs cogitation sholmestiques.

 

Cinderella la bien nommée était comme son homonyme en v.o., un peu délaissée par sa famille, mais par contre c'était une foudre du foutre. Il fallait qu'elle ait sa dose assez itérativement. En fait, elle avait de qui "tirer". Mario Mc Leod de son pas vrai nom, avait hérité du nom et de tous les accessoires dans une partie de poker assez bizarre. Un écossais en vadrouille dans les bas-fonds de palerme était venu s'encanailler et avait tout perdu dans le triangle des Don Corleone. Son nom, son patrimoine et surtout ce qui était assez emmerdant pour assurer sa descendance, sa vie.

A l'aide de quelques artistes photocopieurs, son état civil s'était écossisé. Mais le sieur Caferlocci n'avait  pu abandonner son prénom., trop dur. Il était devenu Mario Mc Leod, honorable citoyen britannique reconverti dans l'exportation de vins fins et spiritueux. Mais sa carte de visite était tout aussi fantaisiste que son passeport. En fait ses activités étaient autrement contractuelles, puisqu'il était chargé de supprimer, de néantiser toute personne dont le nom et l'adresse avaient le malheur d'atterrir dans sa boîte aux lettres, au dos d'une carte postale immortalisant toujours un monument londonien. Mario avait beaucoup dégainé et tranché derrière Big Ben, Tower Bridge ou Picadilly Circus, quinze années de bons et loyaux services sans la moindre plainte, le plus petit gémissement. Il tuait propre, sa réputation était sans taches. Une vraie star dans le milieu, le Zidane de l'élimination directe. Jusqu'à cette dernière carte reçue un mois plus tôt, son 60ème contrat.

La Tour de Londres au recto. Un nom, une adresse au verso. Un dernier job et je décroche, avait-il songé en froissant l'enveloppe. Il avait suffisamment de blé pour appréhender la vie sous un autre angle, et ne se trompait guère...

- Alors Marius, tes impressions ?

- J'ai pas trouvé le pouls, chef, mais j'ai cru apercevoir un léger frétillement du côté des narines.

- Bon, elle devrait plus tarder maintenant. Tu restes près d'elle et tu me l'interviewes dès qu'elle émerge, je vais en profiter pour aller jeter un œil dans la salle de bains.

- D'accord, je vais un peu l'aider si elle tarde…

Latrique est à mi-couloir quand une sonnerie retentit. Puis une autre. Toujours téléphonique.

- Qui cela peut bien être? fait-il, voyant son jeune collègue venir aux nouvelles.

- En décrochant le bigo, on en saurait peut-être plus, chef.

- Très juste. Ça vient d'en bas, vas-y!

Marius fonce vers l'escalier, le dévale trois à trois et s'arrête un instant au bas des marches, guettant une nouvelle sonnerie, avant de se précipiter sur sa gauche vers le salon.

- Allô…

Silence. Une respiration peut-être.

- Allô? répète-t-il en haussant la voix. Vous êtes bien chez les Mac Leod, ils sont absents pour le moment et pour une durée disons indéterminée, mais vous pouvez laisser un message si le cœur vous…

Une série de bips caractéristiques l'interrompt dans son élan, le laissant sans voix. Latrique le rejoint à l'instant où il repose le combiné.

- Alors, du nouveau?

- Plutôt quelqu'un qu'a avalé sa langue. M'a raccroché au nez, chef !

- Bon, pendant que je cherche les toilettes, appelle Robert et donne-lui le numéro des Mac Leod, qu'il nous fasse un topo de tous les appels entrants et sortants des dernières 46 heures.

- Vous croyez y trouver des indices, chef?

- Faut rien négliger, Marius-Alexandre.

Le temps de régler leurs petites affaires chacun de leur côté, les deux inspecteurs se retrouvent cinq minutes plus tard au bas de l'escalier.

- Alors, chef, vous avez trouvé quelque chose?

- Où donc, mon bon Marius? Robert a déjà faxé la liste…?

- Euh,… non, pas encore. On devrait l'avoir en début d'après-midi.

- Parfait. Retournons auprès de la bonniche, avec un peu de chance elle est sortie des limbes…

Marius, bien meilleur grimpeur, rafle les points au sommet et arrive bon premier sur le pas de la chambre des Mac Leod. Après y avoir regardé à deux fois et même un peu plus, il revient vers Latrique, encore sous la flamme rouge.

- Chef, vous allez pas le croire…

- Réveillée?

- Volatilisée ! Reste plus que la blouse avec rien à l'intérieur comme si son enveloppe charnelle s'était fait la malle. Et la fenêtre est ouverte … mais le barbu n'a pas bougé une oreille.

- Je le savais. Je te l'avais dit de la surveiller de près...

- Ah bon !

- Eh ouais ! c'est pas très sérieux tout ça. Je ne peux pas penser à tout. Vu que t'es mon suppléant, tu dois faire quoi ?

- Sup... pléer, chef ?

- Eh bè ! tu vois quand tu veux.

- Désolé, chef ! je débute dans la suppléance. Z'avez raison chef, je vais m'appliquer.

- En plus je t'avais averti que le fuchsia c'était pas catholique.

- Si on peut plus faire confiance aux évanouis... domestique de surcroît. Putain ! le monde va mal.

- La jungle, mon p'tit Marius-Alexandre, nous vivons dans la jungle.

 

La voiture démarre aussitôt que la femme qui vient de sortir de la villa s'installe à l'arrière. Elle descend la vitre et jette un foulard... couleur fuchsia.

La conductrice se tourne vers elle.

- Alors ? Pas de problèmes ?

- Laisse-moi me débarrasser de toutes ces merdes. J'ai l'impression d'être les Vamps à moi toute seule.

- Qu'est-ce que t'as fichu tout ce temps-là?

DéVampérisée, après s'être ébouriffée les mèches frisottées qui lui dévalent maintenant le front et la nuque, Gustavia semble dix années de moins, ce qui n'est pas rien. Elle pose la main sur l'épaule de la fille, au volant.

- Cindy, ta bonniche m'est tombée sur le râble alors que je m'apprêtais à sortir de la baraque. Comme elle me connaît, au moins de vue, j'ai été obligée de m'en débarrasser si tu vois ce que je veux dire...

- Définitivement?

- On ne peut mieux, avec la statuette qui trônait dans le hall d'entrée!

- Parfait, on risque plus rien de ce côté-là, c'est déjà ça! Elle va tenir sa langue maintenant, la vipère!

- Et les flics sont arrivés dans la foulée, j'ai juste eu le temps de la pousser dans le placard à balais et d'enfiler sa tenue de rechange. Le temps de sortir sur le perron, ils étaient déjà au portail...

- T'as trouvé ce que tu voulais...?

- Oui ma cocotte, j'ai ton petit carnet secret bien au chaud dans ma culotte!

- Et les flics ?

- Un plutôt pas mal, mais son supérieur... à mon avis il fonctionne à la térébenthine frelatée. Je pense que de ce coté on ne risque rien.

Que nenni brave dame ! Ne jamais se fier aux apparences...

 

- Marius-Alexandre tu vois ce que je disais, les détails toujours les détails. Les occis l'ont été par une femme.

- ...

- Et je dirais même mieux, par la fausse bonniche.

- Alors là, chef ! Vous m'en bouchez un corner !

- Rien de plus que du professionnalisme, mon p'tit Maralex. Si t'avais exploré les placards... très important les placards. Tu connais le proverbe qui dit, tout le monde a quelque chose de planqué dans son placard perso. C'est un ami de Confucius qui l'a dit mais en chinois.

- Putain, chef ! même le chinois vous fréquentez.

-Ouais, surtout le traduit. J'y suis plus à l'aise. Il n'empêche que dans un de ces résidus qui se trouve au rez-de-chaussée de la présente habitation, il y a le corps d'une personne du genre femelle, morte de surcroît, ce qui laisse à penser, pour un être qui sans le nommer supérieur est quand même au-dessus de la moyenne nationale, que ladite personne a été occise car elle se trouvait à la mauvaise place au mauvais moment. Et le plus fort c'est que nous avons vu et parlé à la meurtrière.

- La fuchsia girl ?

- Eh oui !

- Putain, elle est costaude la pouf ! Au niveau sang-froid y a rien à dire.

- Le pire, c'est que je m'apprêtais à la démasquer au moment où cette garce t'a filé entre les doigts...

- Sans rire, Chef ! Vous aviez déjà démêlé l'écheveau de l'intrigue…?

- La blouse, Marius ! Je te dis, toujours les détails, même les plus infimes… T'as rien remarqué à propos de la blouse…?

- A part sa couleur rose, je vois pas.

- T'aurais dû noter qu'elle sentait encore le fer chaud et l'amidon comme si elle sortait juste du pressing alors que cette dame nous affirmait avoir fait le ménage deux heures durant pour nettoyer le souk qu'il y avait en bas ? Ce sont ses propres mots, t'en souvient-il ?

- Alors là, Chef, je suis KO debout, je vais peut-être m'asseoir ! C'est bien vrai ce que vous dites, quand on est arrivés j'ai eu comme l'impression de voir une bonniche gravure de mode, mais avant les travaux ! Nous voyant débarquer, elle a enfilé la blouse de rechange dans le placard et noué vite fait le foulard de Chantal sur sa tête, et je suis tombé comme un grand dans le panneau!

- C'est en commettant des erreurs qu'on progresse, Marius…

- P't'être Chef, mais à force de les enfiler comme des perles je voudrais pas me retrouver à la circulation. Va falloir que je prenne des cours du soir, m'est avis !

- Contente-toi de m'observer travailler, ça devrait suffire…

 

L'assemblée qui se trouve dans la villa qui surplombe la ville avec vue sur le littoral est assez impressionnante... la vue aussi !

Pour les personnes c'est au niveau infractions à la loi !

Il y a là,  le roi des machines à sous, Françis Maestracci, dit Fran Grande bouche. Personne ne se souvient l'avoir vu sans remuer les lèvres pendant plus de 43 secondes. Paul Ferracci dit Polo l'enclume. Une prédisposition pour voir si ses ennemis ou autres contradicteurs peuvent surnager à une surcharge artificielle. Il n’aime pas le béton, trop salissant. Il s'occupe des tarifées du bitume. Henri Bertolo, dit Riri la couille -à n'appeler ainsi que si vous êtes un intime mais avec du répondant- mi-émasculé naturellement à sa naissance. C'est une pouf qui l'a dénoncé publiquement et qui s'est fait enclumer dans la foulée. Lui il est spécialisé dans le nettoyage toutes catégories. Michel Perno, dit Casa. Pas besoin d'explications. Le maître des boites et autres commerces à but très lucratif. Et ze last but dans la liste. Gino Amalfi dit ze boss.  Pas besoin d'explications non plus. Gigi pour les très très intimes.

- Dis-moi Polo, tu crois qu'elle est à la hauteur la petite ?

- Pas de blèmes, Gigi. A mon avis elle est meilleure que son... pauvre père. Dieu est son âme !

Au même moment la voiture conduite par Cindy s'arrête devant la grille de la villa et après les formalités patte blanche se gare dans le parking de la villa.

- Gus, passe-moi le carnet. Je crois que la grosse Ginette va être fière de nous!

- Méfie-toi, Cindy ! Un jour, le Gino, il a surpris une conversation téléphonique où un de ses sbires l'appelait comme ça. Tu sais ce qu'il a fait ?

- Raconte.

- Il a juste demandé au type en question, avec qui il était en communication.

- Et alors ?

- Ben, deux jours plus tard, les deux gars baignaient dans le chenal. Le premier n'avait plus de langue et le second avait perdu ses oreilles ! T'étais trop petite, mais ça a fait les choux gras de la presse locale, à l'époque.

- Comment tu sais tout ça…?

- Le type en question, c'était mon jules ! Il m'a raconté l'anecdote sur l'oreiller et le lendemain il a disparu. Quand je l'ai revu, c'était à la morgue.

- T'as rien dit aux flics ?

- A propos de Gino ? T'es folle, autant me suicider ! Mais t'en fais pas, c'est resté dans un petit coin de ma tête…

 

Après avoir frappé à la porte du salon, Pépé, l'homme à tout faire de Gino Amalfi, glisse sa tête à l'intérieur.

- Monsieur Amalfi, les filles viennent d'arriver.

- Ah! Merci Pépé. Fais-les entrer.

 

Et pendant ce temps-là…

 

Les deux limiers professionnels leur devoir accomplis dans la phase 1, se dirigent vers leur lieu préféré de dégustation appétitive, un petit resto sympa et pas onéreux, because le Latrique qui a choisi l’endroit, est très proche de ses écus. Une règle atavique chez les Latrique, qui en fait est orphelin depuis 4 générations, mais l’atavisme a des voies que l’on pénètre assez difficilement.

Le libellé du snack pas très fast est Chez Michou et Michou, tenu par deux extras conjugués. En fait au premier abord, on a du mal à distinguer qui est qui, peut-être la raison de la raison sociale du mess civil…

Michou 1 le serveur, barmaid ou man on ne sait pas trop et maître de cérémonie, est dans le genre épais, gros et frisotté raide, le 2 est plutôt gros, frisotté raide et épais, lui-elle sa spécialité c’est la cuistance et sa spécialité dans sa spécialité, c’est le plat du jour.

D’ailleurs le menu qui date de la jeunesse de Latrique lorsque qu’il apprenait son métier avec Peter Cheney, J H Chase et Simenon, est toujours itou, même pas la date ils ont changé. Des retors malins les double Miches.

AUJOURDH’UI – PLAT DU JOUR.

-         Bonjour les Rouquins ! Sont-y pas mignonets les gardiens de la paix ?

La phrase d’intro murmurée à la cantonade d’une voix d’alto stentorisée est la même au point d’exclamation près depuis que les Durant et Durand de l’énigme font tandem dans la même voiture.

Après avoir dépoussiéré la table où les deux assermentés se sont insérés, la Voix continue dans la même tessiture.

- Deux plats du jour, comme d’habitude. Et ne faites pas semblant, siou-plaît ! Sacré CloClo ! Pas d’apéro, un quart de vin pour deux et l’addition, Merci mes chéries ! les affaires reprennent au maxi, Youpi !

 Marius-A, qui a sans doute au bord des lèvres la gorge déployée du sieur Beard, Ed pour les intimes, ne se sent pas trop de remettre la sauce et le couvert.
- Sans Ketchup pour moi, l’andouillette, ma poule !
- Et tu nous mets un bon quart de vin, Michou, ce que t’as de plus grand, rajoute Latrique. Et avec des frites à l’avenant ma grande !
Du coup ze number one ne se sent plus de joie, il ouvre de larges bras et laisse grimper sa voix.
-   Dites-moi mes louloutes d’amour, vous seriez pas sur un gros coup des fois, petites veinardes ! Faut que je raconte ça à ma Michette…  Je me sauve !
Latrique, après avoir noué sa serviette, jette un regard légèrement inquisiteur vers son adjoint.
- Ça va Marius ? Un petit coup de mou… ?
- Non Chef, j’crois que c’est plutôt les rillettes de ce matin qui passent pas !
- Tu me rassures, j’ai cru un instant que la vue de quatre corps sans vie à quelques minutes d’intervalle t’avait un peu noué l’estomac…
- Pensez-vous ! L’aut’ dimanche avec mon cousin Rob on a déquillé 6 faisans, 2 lapins et un perdreau dans la matinée, sans compter quelques boutanches de blanc sec, alors les cadavres ça m’impressionne plus trop ! Sinon Chef, vous le voyez comment l’angle d’attaque pour retrouver la fausse bonniche tueuse et mettre la main sur la petite Cinderella ? Faudrait p’t’être déclencher le plan Alerte enlèvement vide-greniers… ?

- Rob ? Celui qui chante avec des pierres dans la bouche ?  Putain, M.Alex t'as des accointances familiales dangereuses, paraît qu'il jumelle avec son frangin, le fan des chanteurs qui déchantent sans le savoir. A mon avis ce sont des marginaux avec de grosses marges. Mais bon, comme dit Brassens on choisit pas ses parents.

- Le Forestier, Chef !

- Quoi, le forestier ? On parle famille et toi tu me parles  déboisement. T'es sur que tu veux pas un ferret-brancard pour digérer ton gibier en boite ?

- Ouais... ou un Ferrat-Branqué !

- Bon ! On va pas discuter pharmologie toute la journée. Pour en revenir à nos pinsons, va falloir la jouer intellectuelle. Une orpheline qui est dans la nature et qui n'est peut-être pas au courant de son nouveau statut et une tueuse en cavale mais qui elle le sait. Donc, mon p'tit Marius ce qui te reste à faire est assez limpide et légèrement élémentaire.

- Demander ma mutation aux affaires étrangères locales ?

- Plus tard, plus tard ! Pour maintenant tout de suite tu vas me faire tous les centres d'hébergement féminin et ensuite tu vas me recenser tous les tueurs également féminins connus. C'est bien le diable si on ne trébuche pas sur du concret. Mon instinct me dit qu'on va déboucher.

- Ouf ! J'ai eu peur que vous me disiez de faire du porte à porte. Là au moins c'est du fastoche. Z'avez pensé que la Cindy Crawford pourrait être de mèche avec la killeuse en petite série ?

- Allons, mon Alexandrounet, tu penses bien que tout l'hypothétique, je l'ai passé au sas. Mais je ne crois pas que la petitoune soit une personne méchante, avec un prénom pareil, c'est quasiment impossible. Et crois-en mon intuitif et ma science prénomologique. Quand j'ai arrêté le tueur des garrigues alpestres et bien on avait deux suspects, l'un s'appelait Juste Bonnard  et l'autre Adolphe Lahenne. Crois-moi ou le contraire, immédiatement je me suis désintéressé du Juste et je n'ai plus lâché l'Adolphe. Et bingo ! Le tueur était ? Je te le donne mimile, eh ouais ! Dolphinou. Le prémonitoire nasal, ça ne s'apprend pas mon subalterne préféré.

- Alors je dis chapeau ! C'est du lourd ! Vous dépassez Hercule Holmes. Je suis tout coi !

- Quoi ? Quoi, quoi ?

- Quoi ? Tout coi, quoi ! Chef !

- Alors là, mon p’tit Marius, j’ai pensé dans un premier temps que t’avais incriminé les rillettes dûment, mais maintenant j’ai la certitude que tu barbotes jusqu’au cou dans l’accusation délictueuse et superfétatoire à propos de la spécialité mancelle quoique sarthoise…

- Vous pouvez traduire chef, j’ai oublié mon Reverso at home a la casa im bunker.

- C’est le canard qui t’a perturbé la digestion, non ? Et pas l’oie en rillettes, me trompetté-je de la mort ?

- Continuate capo, parce que j’suis toujours dans les fumigènes de San Siro et même en plein brouillard pour tout dire ! De quel canard parlez-vous si j’ose me permettre ?

- Marius, enfin ! Je te parle du coin-coin en caoutchouc plastifié qui faisait trempette dans la baignoire entre les cuisses de Milady Mac-Leod, comme s’il avait cherché une issue de secours à l’ultime instant pour échapper au massacre ! Tu l’avais remarqué j’espère, sinon tu frises l’exclusion temporaire à court terme !

- Euh, boss, disons que mon attention ne s’est pas portée de ce côté-là de la baignoire, j’ai plutôt étudié le trou qu’elle portait à la tempe droite, la reine mère, et le tournevis planté là.

- Ton avis ?

- Sur le tournevis ? Cruciforme à manche ergonomique en nylon et en vente libre dans toutes les bonnes quincailleries, du cousu main !

- Tu crois qu’une femme a pu porter un tel coup fatal, Marius ? Faut quand même une certaine force pour enfoncer l’engin jusqu’à la garde ?

- Pas vraiment chef ! Dans la tempe ça rentre comme dans du beurre de cacahuète. Suffit juste d’être un peu musclé et si on vise bien c’est à la portée de n’importe quelle nana formée, non anorexique et pas trop bigleuse.

- Ça met donc Cindy complètement hors de cause, qu’est-ce que je te disais, l’intuitif d’inspiration prénomologique y’a que ça de vrai !

- … 

- Trente ans d’expérience, Marius, trente ans d’expérience, et au plus haut niveau, je comprends que ça laisse pantois…

- En fait, chef, et malgré votre brillantissime démonstration, j’ai pas trop compris pourquoi ça mettait la gamine des Mac-Leod hors de cause…

- La photo, Marius, la photo sous cadre dans sa chambrette, tu l’as vue j’espère sinon tu vas tout droit vers l’exclusion immédiate et définitive sans recours et même arbitrage du médiateur et de la vidéo !

- Celle avec ses couettes où elle apprenait à faire du roller en tenant ses parents par la main ? La photo doit dater d’une bonne quinzaine d’années, elle devait avoir cinq ou six balais à l’époque, pas plus, chef…

- Tout juste, à six mois près ! Ce qui la met donc définitivement hors de cause, nous sommes bien d’accord !

- Si vous le dites, chef ! Mais bon, depuis elle a dû un peu pousser de partout, la minotte…

 

 

 
Texte épizodial écrit anonymement par
Max & Dominique d'où le pseudo.
Ceci étant confidentiel, bien sûr !

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